LA PRESSE
Les proches du journaliste Jean Bigirimana sont sans nouvelles de lui depuis maintenant une semaine. Le reporter, qui travaille pour le journal indépendant
ainsi que pour l’Agence de presse Infos Grands Lacs, aurait été arrêté le 22 juillet par des membres des services secrets burundais, selon Reporters sans frontières, qui cite la famille du journaliste, père de deux jeunes enfants. Un grand nombre de journalistes indépendants ont fui le pays depuis le début de la crise.OPPOSANTS TORTURÉS
Dans un autre rapport publié au début du mois, HRW affirmait que des agents des services secrets burundais, ainsi que des policiers et des Imbonerakure, « ont torturé et maltraité des dizaines d’opposants » présumés. Ils « leur ont planté des barres en acier aiguisées dans les jambes, ont versé du plastique fondu sur eux, ont noué des cordes autour des parties génitales des hommes et leur ont envoyé des décharges électriques », détaille le rapport.
VIOLS COLLECTIFS
Des dizaines de femmes ont subi des viols collectifs depuis le début de la crise au Burundi, affirme l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié cette semaine. Ces viols, ciblant notamment des familles d’opposants présumés au gouvernement, ont été commis principalement par des Imbonerakure, soit des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, mais aussi par des hommes vêtus d’uniformes de la police, selon les témoignages recueillis par HRW.
ANCIENNE MINISTRE ASSASSINÉE
L’ancienne journaliste et ex-ministre burundaise Hafsa Mossi, proche du président Nkurunziza dont elle fut la conseillère en communication, a été assassinée en pleine rue, le 13 juillet. La députée, qui n’était pas réputée être une dure du régime et qui s’était faite très discrète depuis le début de la crise, se sentait menacée, y compris au sein de son parti, selon ses proches. Bujumbura a annoncé la semaine dernière trois arrestations relativement à cet assassinat.
ENFANTS EMPRISONNÉS
En mai et en juin, des centaines d’élèves de différentes écoles secondaires ont été renvoyés de leur établissement pour avoir gribouillé la photo du président burundais dans leur manuel scolaire ou pour avoir refusé de dévoiler qui l’avait fait. Une dizaine d’élèves ont même été arrêtés par les services secrets, ont rapporté HRW et certains médias. Lors d’une manifestation dénonçant ces arrestations, les policiers ont tiré à balles réelles sur les élèves, tuant un motocycliste qui passait par là.
LA VISITE À QUÉBEC D’UN CONSEILLER DU PRÉSIDENT DÉRANGE
La venue à Québec d’un proche conseiller du président du Burundi indispose le gouvernement canadien et provoque des remous au sein de la diaspora burundaise. Ottawa s’est montré critique au cours des derniers mois envers le régime burundais, qu’il a accusé « d’opprimer sa propre population ».
Willy Nyamitwe, porte-parole et conseiller en communication du président du Burundi, doit participer demain à Québec à une « conférence-débat » sur la situation qui prévaut dans ce petit pays d’Afrique de l’Est déchiré par une violente crise sociale et politique depuis maintenant 15 mois.
L’événement, intitulé « Les vrais enjeux de la crise au Burundi », est organisé par « la diaspora burundaise en collaboration avec l’ambassade du Burundi au Canada », explique l’invitation.
« Le Canada n’a pas été officiellement informé des participants à cette conférence », a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, dans une déclaration écrite transmise à
par son bureau.« Toute tentative des autorités [burundaises] de déplacer le débat au Canada représenterait une distraction regrettable, inutile et inopportune », a ajouté le ministre Dion, rappelant que « le Canada a clairement appelé à un dialogue constructif, ouvert et inclusif entre les parties prenantes au conflit au Burundi, sous la médiation internationale proposée par les pays de la région ».
« Toutes les énergies politiques burundaises doivent se consacrer à ce dialogue pour un retour urgent de la paix et du respect des droits de la personne au Burundi. »
— Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères du Canada
Le Canada s’est montré critique à l’endroit du régime burundais depuis le début de la crise, en avril 2015, après la décision controversée du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat.
Le ministre Dion affirmait notamment en décembre dernier que le gouvernement burundais était « sous observation » et qu’il devait « cesser d’opprimer sa propre population ».
Joint par
à son arrivée à Montréal, hier soir, Willy Nyamitwe a répliqué que « ce n’est pas le dialogue burundais qui est déplacé au Canada », estimant plutôt qu’il « y a un besoin de pouvoir expliquer, de pouvoir donner une autre version des faits » sur ce qui se passe au Burundi, puisque les informations rapportées par les médias, notamment canadiens, « souvent, ne sont pas conformes à la réalité du terrain ».Assurant que Bujumbura a bel et bien informé Ottawa de sa venue et qu’un visa lui a d’ailleurs été délivré, M. Nyamitwe a réfuté que la conférence ne présenterait que le point du vue du gouvernement burundais, se disant « ouvert au débat contradictoire » et assurant que tous « auront droit de parole ».
La venue du porte-voix du régime burundais crée aussi des remous au sein de la diaspora burundaise établie au Canada, dont une partie est aux abois.
L’Alliance des Burundais du Canada (ABC) déplore la tenue de cette conférence, qu’elle considère comme « une séance de désinformation du gouvernement du Burundi », a indiqué à
Charles Makaza, porte-parole du regroupement.L’ABC dénonce le déséquilibre des points de vue qui seront représentés lors de cet événement, qui se tiendra dans un édifice municipal de l’arrondissement des Rivières, à Québec.
« Cette conférence vient légitimer un gouvernement qu’on estime illégitime, un gouvernement qui commet des exactions reconnues par tous les organismes des droits de l’homme. »
— Charles Makaza, porte-parole de l’Alliance des Burundais du Canada
Outre Willy Nyamitwe, les organisateurs ont invité le militant belge d’extrême droite Luc Michel, qui aurait été embauché comme conseiller politique du président burundais, rapportait en mai dernier l’agence de presse belge Belga, ce qu’a nié le porte-parole du président.
Contacté par
, ce dernier n’avait pas répondu au moment de publier ces lignes.Un membre de la communauté burundaise du Canada ainsi que le professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal Amissi Manirabona compléteront le panel.
Ce dernier a reconnu « des dérapages » du pouvoir burundais, estimant cependant que les organisations de défense des droits de l’homme qui dénoncent des exactions « exagèrent » et accusant l’opposition de recourir à la violence.
Le président de la communauté burundaise de Québec, qui est l’un des coorganisateurs de la conférence, rejette les accusations de partialité, affirmant plutôt que l’événement est « neutre ».
« C’est la suite du dialogue amorcé au Burundi par le président de la République », dit Anthony Nkurunziza, qui n’a aucun lien de parenté avec le président burundais.
Si la conférence n’oppose pas au porte-parole du président burundais des représentants des opposants à son gouvernement, c’est parce que les organisateurs n’en ont pas trouvé, explique M. Nkurunziza.
Les membres de la diaspora burundaise qui soutiennent le régime du président Pierre Nkurunziza, un Hutu, seraient principalement des réfugiés de longue date, qui ont fui les massacres des années 60 et 70 commis par le régime tutsi de l’époque envers les Hutus, a expliqué à
un membre de la diaspora proche des opposants au régime, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.http://plus.lapresse.ca/screens/62e95c88-0ac0-4e81-bd4c-da2d7642a2f1%7C_0.html