Ghana : un pays africain qui prend au sérieux les droits de l’homme !

By on 4 octobre 2016 — Le Ghana a été le seul pays africain à avoir voté en faveur d’une résolution visant à faire la lumière sur les violations massives des droits de l’homme commises au Burundi depuis que le président Pierre Nkurunziza a brigué un troisième mandat contesté en avril 2015. Une autre preuve que le Ghana est un champion dans la promotion des droits et des libertés publiques en Afrique.

Le président John Dramani Mahama à la tribune des Nations unies.

Le président John Dramani Mahama à la tribune des Nations unies.

La 33e session du conseil des droits de l’homme des Nations-Unies l’ONU a été clôturée ce vendredi 30 septembre 2016 à Genève. Le Conseil a adopté, entre autres, une résolution mettant en place une commission d’enquête sur le Burundi pour identifier les auteurs présumés des violations massives des droits de l’homme et de probables crimes contre l’humanité afin de les traduire en justice.

Cette résolution faisait suite au rapport des experts indépendants des Nations-Unies qui avaient conclu qu’il y avait des violations massives des droits de l’homme et même des crimes contre l’humanité commis principalement par des agents du gouvernement burundais. Le Burundi a fait une grande campagne pour que cette résolution ne soit pas adoptée, arguant que le rapport sur lequel se basait cette résolution était plein de mensonges. Une campagne qui n’a pas convaincu le Conseil, et la résolution a été adoptée avec 21 voix pour et 7 voix contre tandis que 21 pays se sont abstenus.

Les pays africains savent qu’il y a une grave crise humanitaire au Burundi, mais cette large abstention montre qu’ils ne sont pas prêts à s’engager pour exiger la fin des crimes.

De l’abstention de la majorité des pays africains

Ce qui m’intéresse dans cette histoire est la manière dont les pays africains membres du conseil ont voté concernant cette résolution. Parmi ces pays africains, seul le Ghana a voté pour. Seul le Maroc a voté contre, soutenant ouvertement la position du Burundi. 11 autres pays africains se sont abstenus.

Cette manière de voter reflète pour moi le rapport ambigu des Etats africains face aux droits de l’homme. Pourquoi l’abstention a-t-elle largement dépassé les pour et les contre ? Est-ce parce que ces pays africains considèrent qu’il n’y a pas de violations massives de droits de l’homme et de crimes contre l’humanité au Burundi ? Pour moi, la réponse est non. Comme le dit la maxime, qui ne dit mot consent ! Si les pays africains considéraient que le rapport des experts indépendants était plein de mensonges comme le disaient les représentants du gouvernement, ils auraient voté contre comme l’ont fait la Russie et la Chine. Les pays africains savent qu’il y a une grave crise humanitaire au Burundi, mais cette large abstention montre qu’ils ne sont pas prêts à s’engager pour exiger la fin des crimes.

«Le Ghana est doté d’institutions fortes – non pas des hommes forts – qui travaillent pour non seulement protéger les droits de l’homme, mais l’amélioration de ces droits», commente ainsi Abdul-Rahim Muntaka Mutawakil, professeur de sciences politiques à l’Université Kwame Nkrumah des Sciences et Technologies.

Les raisons de ce manque d’engagement sont variées. Certains pays, comme l’Ethiopie et la RDC, sont aussi régulièrement accusés de violer les droits de l’homme. Dans ce cas, ils ne peuvent pas se prononcer contre un autre gouvernement. Ils savent qu’un jour ou l’autre ils pourraient eux-mêmes être  appelés à rendre des comptes, et ils auront besoin du soutien d’autres pays, dont le Burundi.

Pour les pays qui sont plus ou moins démocratiques, comme l’Afrique du Sud, le Kenya, le Botswana ou la Namibie, je pense qu’ils ne veulent pas se prononcer pour des raisons idéologiques. En effet, la résolution a été votee  à l’initiative de l’Union européenne, qui est souvent considérée en Afrique comme voulant promouvoir le néocolonialisme. C’est d’ailleurs l’un des arguments avancés par le régime de Bujumbura pour faire rejeter cette résolution.

Manifestants et forces de l'ordre dans les rues de Bujumbura en avril 2015.

Manifestants et forces de l’ordre dans les rues de Bujumbura en avril 2015.

Je suis contre le néocolonialisme, mais je me sens mal à l’aise quand je vois beaucoup de nos frères Africains voir le néocolonialisme partout, quitte à les empêcher de faire ce qui est juste. Et ce qui est juste, dans le cas qui nous concerne, est d’empêcher, par tous les moyens, que les innocents continuent à être assassinés au Burundi.

Ghana : l’exception qui confirme la règle

La décision du Ghana de soutenir la résolution est dans la continuité de sa politique intérieure basée sur le respect des droits et des libertés, ce qui fait de ce pays l’un des rares réellement démocratiques en Afrique.

«Le Ghana ne peut que voter en faveur des droits de l’homme», commente ainsi Abdul-Rahim Muntaka Mutawakil, professeur de sciences politiques à l’Université Kwame Nkrumah des Sciences et Technologies . «Le Ghana est doté d’institutions fortes – non pas des hommes forts – qui travaillent pour non seulement protéger les droits de l’homme, mais l’amélioration de ces droits», ajoute-t-il.

Mais le Ghana n’est pas le seul pays démocratique en Afrique, ni le seul à avoir des institutions fortes. L’Afrique du Sud par exemple est une grande démocratie. Mais ce que je déplore chez cette dernière, c’est qu’elle n’ose pas mettre la défense des droits de l’homme au cœur de sa diplomatie africaine. Si l’idée du panafricanisme a encore un sens, ce sera un panafricanisme basé sur le respect des droits et des libertés partout en Afrique, ou il ne sera pas. Mon souhait est que le Ghana serve de guide à d’autres pays vers ce nouveau panafricanisme.

lien utile: http://thisisafrica.me/fr/2016/10/04/ghana-pays-africain-prend-serieux-droits-de-lhomme/