Agissons ou périssons ; c’est aussi simple que ça !

Editorial

Par Sébastien Ntahongendera

Mise en ligne le 1er février 2016

Je savais bien que « les ennemis de l’Afrique ce sont les Africains », mais franchement, je ne pouvais pas pousser cette autodérision au point de penser que la majorité de nos « pères de nos nations à nous » étaient aussi contre nous !  En effet, s’il faut nous en tenir aux conclusions du dernier sommet des chefs d’États africains, au moins les 2/3 de ces derniers sont pour que Nkurunziza continue  à pousser le Burundi dans le toboggan menant en enfer.

Ah oui ! Le Burundi  dont au moins 2/3 des chefs d’États africains sont tombés amoureux, c’est ça : c’est le Burundi d’une jeunesse à qui on arrache littéralement la vie, l’avenir et l’espoir ; c’est le Burundi qui a démissionné de tous ses engagements en termes d’obligations publiques et internationales ; c’est le Burundi qui n’a plus ni armée ni police ; c’est le Burundi qui vit sous la terreur de la loi milicienne ; c’est le Burundi qui ne passe aucun jour sans qu’il y ait découverte ou recèle de cadavres ; c’est le Burundi des viols collectifs commis par des serials killers au solde d’un certain  pasteur Pierre Nkurunziza ;  c’est le Burundi des fosses communes ; c’est,  bref, un Burundi qui se meurt à petit feu !

En vérité, avec les dernières clauses d’Addis-Abeba, un des cercles cylindriques compositeurs de l’étau qui se resserrait autour de Nkurunziza est levé. Mais la nature a horreur du vide ; il faut le remplacer ! Comme d’aucuns le savent, en attendant ces sauveurs, certains avaient déjà pris l’option armée en guise de se défendre. D’autres ont jeté toutes leurs forces dans la bataille politique, appelant de tous leurs vœux les négociations. C’est le cas du CNARED.

C’est vrai que  la réaction des chefs d’État vient, hélas, de donner raison à ceux qui disent qu’on n’a pas besoin de l’eau potable pour éteindre une incendie, mais le CNARED ne regrettera jamais d’avoir emprunté la voie politique. Néanmoins, il s’indique de voir la vérité en fasse : quand pour quelques raisons les sapeurs-pompiers publics refusent de vous venir au secours en cas d’incendie, vous jeter dans les flammes pour sauver vous-même ce qui reste de votre maison n’est pas blâmable, bien au contraire ! En tout cas, vu la béance des besoins sécuritaires des Burundais aussi bien sur le terrain que dans les esprits, force est de constater que ceux qui viennent de rejeter la MAPROBU ont tout fait sauf bonifier l’image de l’Afrique !

Eh oui ! La mission des 5000 corps-habillés pour sécuriser les Burundais avait été actée le mois dernier, mais en lieu et place, on nous a promis des observateurs ! Les protecteurs, c’est quand la « situation se dégradera » ! Car pour eux, mêmes  avec des dizaines de charniers disséminés par-ci par-là, ce n’est pas une situation dégradée ! Même une moyenne d’au moins 100 jeunes qui se font enlever chaque jour pour finir dans les fleuves ou on ne saura jamais où, ce n’est pas assez pour mobiliser des troupes de protection !
Qu’on nous fasse un peu économie de cette rhétorique-suppositoire de type « si rien n’est fait, le Burundi risque de… ».

Rien n’a été fait, et voilà ; nous sommes à un pas de la rwandisation du Burundi. Je pèse mes mots ; la différence n’est qu’au niveau de la vitesse des exécutions ! L’histoire a connu des génocides-éclairs ! Celui commis endéans 10 ans (durée du 2è et 3è mandat génocidaire de Nkurunziza) n’en sera pas moins un ! Car le Burundi de Nkurunziza c’est ça : « Bakebake mpaka tubamare » (un peu un peu jusqu’à les finir), comme ils le chantent eux-mêmes ! « Bakebake», et vous comprenez pourquoi : il ne faut pas affoler l’opinion internationale, dont le logiciel est ainsi programmé qu’il ne réagit que pour des pogromes perpétrés  en temps-éclair !

L’Union Africaine ne pourra éviter la rwandisation du Burundi tant que Nkurunziza ne lui aura pas  donné l’autorisation, nous a-t-on dit ! Vous captez ça ? Demander à un assassin en action : «  Puis-je voler au secours de ta victime » ? Eh oui ! Parce que les Alliés ont demandé l’autorisation à Hitler avant de venir sauver ce qui pouvait encore l’être ? Nkurunziza ne peut faire partie de la solution, c’est lui le problème. Par conséquent, il n’est pas à consulter, il est à combattre ; il doit partir.  Et le plus vite possible !

Mais qui le fera partir ? Les déclarations issues des sommets ? Il ne s’y reconnaîtra jamais, surtout qu’il ne s’y rend plus jamais, depuis qu’il s’est rebellé contre les institutions républicaines du Burundi. Les sanctions économiques ? Lui, ces sanctions ne le touchent jamais ! Alors quoi ? Alors qui ? Moi je ne vois pas de solution exogène à la crise burundaise !  Et  mine de rien, toutes ces tergiversations et mesurettes observées ici et là depuis que la crise burundaise a éclaté ne sont qu’une bonne réponse à ce questionnement ci-dessus. “Jibu la anayekataa siyo tu hapana” (la réponse de celui qui refuse n’est pas seulement  « non », dit la sagesse swahili ! Depuis quand nous crions au secours ? Que d’alertes ? Nous vous avons compris ; votre attentisme nous dit : «  Pleurer, crier, prier, c’est également lâche ! Faites de votre Nkurunziza ce que vous voulez » ! Ah oui ! Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent ; nous devons, enfin, entendre cette réponse ; c’est le moment de faire partir Nkurunziza sans nous en référer à qui que ce soit ! Et quand je dis nous, c’est nous !

Par peur, calculs égocentriques ou solidarité négative, certains quartiers de Bujumbura n’ont pas remué leurs jambes, quand les jeunes des autres quartiers se les faisaient scier par les mercenaires de Nkurunziza ! C’est le moment de vous racheter. Par immaturité de l’esprit révolutionnaire, la jeunesse estudiantine semble se soustraire du jeu ! Oui ! C’est un paradoxe pour le moins effarant : partout et de par l’histoire, c’est la jeunesse estudiantine qui a toujours été le fer de lance des révolutions.

Chez nous, l’État supprime même la ration alimentaire des étudiants. Et pour toute réaction, la jeunesse « déplore » ! Passe encore ; un enfant bien élevé ne doit pas manger pour voir une bonne note à l’école ! L’école de l’ère Nkurunziza bien sûr ! Mais que dire de cette annonce de l’Etat selon laquelle il n’embauchera plus, que même les fonctionnaires qui mourront ne seront pas remplacés ? Et cela concerne directement la jeunesse scolaire et universitaire ! Mais voilà !  Dans ces milieux, “nta n’agakacira” sur ce sujet existentialiste de tout être nanti de faculté révolutionnaire ; rien ne bouge ; comme réaction, «  baridoga » (ils maugréent), selon les mots d’un journaliste, et ça s’arrête là ! Dites leur que l’ère Nkurunziza semble vouloir ne nous léguer que du délétère, on vous dira « non ; c’est Kagamé ; c’est Nininahazwe ;  c’est Sinduhije ; ce sont les Tutsi » !

Jeunesse burundaise, vous serez ce que vous voudrez devenir ! Soit vous composez avec Nkurunziza et vous ne deviendrez rien, soit vous lui tournez le dos et vous bâtirez votre avenir. Le dilemme est tout sauf cornélien ! Un peuple qui n’a pas le courage de dire non ne mérite pas qu’on s’apitoie de son sort !

A tout le peuple burundais maintenant ! Réveillez-vous ! Certains divaguent, amalgament, versent dans les faux-fuyants, cherchent les boucs émissaires, s’inventent des excuses de ne pas s’engager visiblement et résolument dans la lutte contre le rebelle Nkurunziza, s’ils ne démobilisent ou ne dissuadent pas carrément ceux qui voulaient s’engager. Et bonjour les atermoiements ; et bonjour les diatribes, et bonjour les paroles vides au lieu des actes ! On ne philosophe pas devant une maison qui brûle.

Pour faire face à sa rébellion composée de soldats et policiers corrompus, d’imbonerakure et d’autres mercenaires dont les Interahamwe, chacun de nous est venu avec son « eau », et sans se compter, et sans compter ceux qui sont devant ou derrière lui, contre ou pour lui. Tout en comprenant sinon en respectant les choix des uns et des autres, le CNARED a, lui,  privilégié la voie du dialogue, je l’ai dit. Mais nos chemins sont différents, ils ne sont pas parallèles ! Même les non matheux savent de quoi je parle ! Si nous nous sommes partagés les chemins, c’est ensemble que nous arriverons. Nous avons un même enjeu : le Burundi ; nous sommes guidés par un même idéal : la paix pour tous ; nous avons un seul ennemi : le spectre d’une idéologique revancharde et prédatrice incarnée par Nkurunziza ;  nous avons un seul  maître : nous même, n’en déplaise aux troubadours et autres esclaves des schémas géopolitiques surannés qui nous trouvent des tuteurs imaginaires.  Nous avons un même devoir : faire ressusciter le Burundi. Car, il se meurt, notre pays !

Un pays dont le président ne dépasse jamais les frontières nationales, c’est un pays mort !  Nous avons connu dans le temps, non loin de chez nous, un président pareil. Rien ne lui manquait. Mais tout manquait à son pays, à son peuple.  Et il s’en foutait ! On sait ce que son peuple en a payé comme frais !  Nkurunziza s’en fout aussi. Ça nous coûtera cher. Un pays où une mafia agréée par l’État introduit des faux billets dans le circuit bancaire, c’est un pays mort ! On a connu des pratiques similaires dans le pays susmentionné ! Les pontes du régime n’en souffraient pas. Mais ce que le peuple en a subi, oh ! il ne s’en guérira même jamais ; les séquelles sont toujours là ! Nkurunziza et sa clique se foutent aussi de la dégringolade de l’économie burundaise !  Le Burundi se meurt ; qui ne le voit pas est aveugle ; qu’il se fasse soigner ! Car tous nous sommes frappés ! Tous ! En tout cas, quand la déclaration est tombée comme quoi aucun lauréat des écoles et facultés ne sera embauché, je n’ai pas entendu dire qu’exception serait faite pour les diplômés des quartiers ou des zones qui n’ont pas marché contre le troisième mandat !
Alors, le choix est aussi simple que ça : ou bien nous agissons tous, ou alors nous acceptons de périr tous !