Bujumbura en guerre contre nations et organisations humanitaires : ou l’exemple d’une mémoire de poule ( suite et fin)

Par Sébastien Ntahongendera
Nous sommes en 1995. Dans la nuit du 11 au 12 juin, un massacre décime une centaine d’étudiants Hutu sur le campus universitaire de Mutanga. Une année après, la même horreur visant la même ethnie s’abat sur les étudiants de l’Institut supérieur agronomique de Zega, à Gitega. Au moins une cinquantaine d’étudiants y trouvent la mort. Comme conséquence attendue, quasiment tous les étudiants hutu désertent l’université et les instituts supérieurs. A cette même période, les élèves hutu du secondaire subissent la chasse aux sorcières.

Face à cette situation, des âmes sensibles se bousculent ; il faut tenter de pêcher de la noyade ne serait-ce que quelques chanceux ! C’est dans ce cadre que des organisations et autres âmes sensibles feront partir élèves et étudiants qui à Bangui, qui à Ouaga, qui à Yaoundé, qui à Abidjan, qui à Dar-es-Salaam, pour ne citer que les destinations que je connais bien. Ça, c’est la vérité ! Par exemple, avec l’aide effective de la Fondation Laurence Ndadaye et de l’ONG espagnole « Voisins sans Frontières », élèves et étudiants burundais ont pu suivre écoles, grandes écoles et université en Tanzanie, qui à Dar-Esa Salam, qui à Iringa! Ça, c’est la vérité ! Ce n’est pas Léonard Sentore, que je salue bien au passage ; eh bien ce n’est pas l’ex secrétaire d’ambassade à Bruxelles qui va me contrarier !

Après le massacre du 11 juin 1995, par le truchement des organisations comme FONCABA et AGCD, l’Etat belge a évacué des centaines d’étudiants hutu pour les envoyer poursuivre leurs études dans des universités africaines francophones. On les verra surtout en Côte d’Ivoire et au Burkina. Parmi eux, beaucoup sont aujourd’hui ou ont été dans les très hautes sphères du régime actuel. Ça, c’est la vérité. Ce n’est pas mon ami Jean-Bosco Ndikumana, que je salue bien au passage ; eh bien ce n’est pas l’ex-procureur Général de la République puis Ministre de la Justice, un ancien boursier de Foncaba à Abidjan, qui va me dire le contraire ! Ce n’est pas mon ami Valentin Bagorikunda, que je salue bien au passage ; eh bien, ce n’est pas l’ex-procureur Général de la République, un ancien boursier de l’AGCD à Abidjan, qui me dira le contraire ! Ce n’est pas mon ami Félix, que je salue bien aussi ; eh bien, ce n’est l’Ambassadeur Félix Ndayisenga, un ancien boursier de Foncaba à Abidjan, qui me dira le contraire ! Ce n’est pas mon ami Emmanuel Niyonzima, que je salue bien également, un ancien boursier de Foncaba à Abidjan et actuel Secrétaire d’Ambassade du Burundi aux Etats Unis, qui me dira le contraire ! J’en passe et j’en oublie !

Soit dit en passant, je me réjouis du fait que les concernés, eux au moins, sont conscients de leur passé de protégés des humanitaires aussi bien burundais qu’étrangers : dans cette guerre contre les nations et les organisations humanitaires, ils n’ont pas le feu dans leurs bouches ; ce sont les zélés qui se mettent sur le toit du monde pour parler de ce qu’ils ne se rappellent même pas bien ou de ce qu’ils ne savent pas du tout !

Je profite de ce moment pour dire merci à toutes ces organisations. Surtout, que Madame Bernadette Zubatse, Monsieur Luc Bonté ; la famille Dagrou en Côte d’Ivoire, Madame Laurence Ndadaye, Dr. Liboire Ngendahayo, Dr. Jean Minani, j’en passe et j’en oublie ; que tous ces humanitaires trouvent ici l’expression de ma dette de gratitude personnelle et collective. De près ou de loin, ils ont servi de pont entre les organisassions précitées et les étudiants burundais alors en détresse. Sans leur double sens patriotique et humanitaire, peut-être que le régime actuel aurait des soldats, des policiers et des imbonerakure, mais pas des diplômâtes !

Eh oui ! Il faut qu’on rappelle à nos Willy et autres Jaques d’où nous venons ! Quand ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui se faisaient évacuer, c’était une action humanitaire ; c’était sauver une jeunesse en détresse. Quand les autres victimes sont font évacuer aujourd’hui, il faut qu’on en invente des ramifications sataniques : ça s’appelle déclarer la guerre à la nation ; ça s’appelle se faire des millions d’Euros avec le commerce des cadavres ; ça s’appelle Pacifique l’assassin, Mbonimpa le valet des Blancs ; ça s’appelle Union européenne argentière de la guerre contre le Burundi ! N’importe quoi ! C’est l’histoire de ce méchant qui, après avoir traversé un fleuve, a démoli le pont pour contempler le spectacle de la noyade !

Quel intérêt aurait l’Union européenne à livrer la guerre au pays que l’on cache quand on y applique le doigt sur une carte géographique ? Quel intérêt auraient les nations entières à livrer la guerre au pays le plus miséreux de la planète ? Non Mesdames Messieurs les chasseurs des boucs-émissaires, rancuniers radicaux ! Quand tout le monde est contre toi, tu ne peux pas prétendre que tu n’y es pas pour quelque chose ! Et si tu veux continuer à vivre, il faut plutôt te remettre en cause, au lieu de continuer à chasser les poux dans les cheveux de toute la communauté internationale !

3. L’avenir du Burundi n’appartient pas aux déterreurs des haches de guerre.

Ici, je vais m’adresser directement et plus particulièrement aux chantres de la rancœur, de la vengeance ; aux réactionnaires quoi !

Messieurs Mesdames les déterreurs des haches de guerre, si vous vous vivez encore, vous n’êtes pas des héros ; vous êtes des rescapés, point, trait, barre ! Or, la force d’un rescapé, ce n’est pas de ruminer la vengeance ; c’est d’initier la repentance. La rancœur et la vendetta n’ont jamais construit une nation. Pas même une communauté. Pas même une famille nucléaire ! Or, c’est ça que vous voulez nous faire croire, donc que pour être un vrai homme d’Etat, il faut cultiver la rancœur, la vengeance privée, y compris sur ceux qui ne vous ont rien fait, pour peu qu’ils sont de l’opposition, ou tout simplement de l’autre ethnie. C’est ça faire la politique chez vous ! Et nous y voilà : à chaque fois qu’on vous accuse de crimes graves, on entend vos experts en hainologie égrainer les dates sombres de l’histoire du Burundi, donc une façon de dire : « D’autres ont tué, nous aussi on va tuer ; fermez vos gueules ! » Pauvres réactionnaires ! Toujours le nivellement par le bas !

Mesdames Messieurs les rancuniers radicaux, ceux qui souffrent aujourd’hui sont des gens comme vous comme vos parents il y a quelques années. Ce ne sont pas les valets des occidentaux comme votre sadisme vous pousse à le chanter ! Moins encore, ce ne sont pas des Mujeri les chiens chétifs, comme vous chérissez bien cette métaphore que vous avez apprise de votre cher inspirateur de fait Micombero ! Eh ben oui : après les horreurs de 1972, on n’avait plus entendu ce vocable génocidaire dans le discours politique burundais ; il a fallu l’arrivée au pouvoir d’un certain président pasteur pour qu’on l’entende encore, et de sa propre bouche ! Ça, c’est la vérité ! Il l’a prononcé publiquement, officiellement, solennellement, véhémentement ! Oui, Mujeri pour dire Hutu en 1972 ; Mujeri pour dire Tutsi ou opposant aujourd’hui ; donc une métaphore génocidaire, surannée, regrettable, jetable, inutile et inutilisable, condamnable, hideux, cadavéreux. On l’avait enfouie ; c’est vous qui l’avez déterrée ! Donc pour vous, bien gouverner un pays, ce n’est pas s’affranchir de son passée douloureux, mais le rééditer. Et vous ne faites plus mystère de cette conviction diabolique du pouvoir. Le 16 juin à Cankuzo, justifiant la nécessité de Nkurunziza de continuer à chevaucher le peuple burundais jusqu’au retour de Jésus-Christ, son porte-parole a même cité la bible texto sensu : « Nkuko vyamye na mbere hose, ni bimereko nubu, imyaka yose, ame » ! (Comme il était au commencement, maintenant et toujours dans les siècles des siècles, amen !)

Mesdames Messieurs qui nous chevauchez, vous vous trompez fort ! Ceux que vous faites souffrir aujourd’hui ne sont pas des étrangers ; ce sont des Burundais. Et ceci expliquant cela, ils vont revenir au Burundi, comme vous aussi vous étiez partis pour revenir, donc comme il était au commencement ! Ce n’est pas sorcier ce que je vous dis. C’est dialectique ; c’est scientifique ; c’est prévisible. C’est même certain ; ils vont revenir. Nous allons revenir !

S’adressant à la jeunesse scolaire tutsi, le sagissime tutsi feu Lieutenant Colonel Kagajo, paix a son âme, disait en 1997, si ma mémoire ne me joue pas des tours :
« Ces Hutu que vous chassez des établissements, demain ils reviendront ; et vous regretterez de les avoir chassés » !
Evidement, quand il le disait, les ultra-tutsi l’ont hué. En vous mettant en garde contre votre messianisme anti-opposition en général et anti-tutsi en particulier, je sais qu’à mon tour, moi aussi vous allez me huer !

Ok ! Je dis bien Ok ! Huez-moi ! Puisque chez vous rien ne sert de leçon, recopiez le passé ! Puisque vous avez décidé de ne rien apprendre de l’histoire, continuez à commettre des crimes, d’autres aussi les ont commis. Puisque vous avez décidé d’entrer dans l’histoire en héros pour en sortir en bourreaux, continuez à tuer ! Puisque vous avez choisi d’entrer dans l’histoire en libérateurs pour en sortir en génocidaires, exactement comme les Khmer Rouges, allez-y ! Continuez à dresser les imbonerakure à violer les enfants et les femmes d’autrui, à fracasser les cranes aux paisibles citoyens, à leur arracher les cœurs, à leurs scier les sexes ; d’autres aussi ont formé les sans-échecs qui ont incinéré les gens vifs ! Continuez ; copiez le passé au lieu de vous en affranchir ; c’est bien ; c’est une politique qui paye ! Continuez à justifier les massacres des adolescents et des adolescentes d’aujourd’hui par les crimes qui ont été commis en 1972, donc par des gens que peut-être même leurs grands-pères ne connaissaient pas ; c’est bien ! Continuez à faire comme si la culpabilité était une maladie génétiquement transmissible ! Continuez à empêcher les partis politiques d’opposition de tenir une réunion même dans une cabine téléphonique !

Bref, continuez dans le mal comme il était au commencement. Mais dans tout ça, sachez au moins une chose : les mêmes causes produisent les mêmes effets. D’ici peu, vous allez moissonner les fruits de votre semence ! Heh ! Je ne vous hais point ; je vous plains ! L’histoire est bègue ; apprenez-le ! L’étape qui suit l’apogée, c’est toujours le déclin ! Et pour ne pas conclure, je vous dis : votre amour de la haine atteint son apogée ! Le changement n’est donc plus une modalité ; c’est une nécessité dialectique ; il s’invite de soi ! Le temps vous attend. Vous vivez le début de votre fin. Et si vous voulez l’anticiper, ce n’est pas compliqué ; il y a une coupe de cigüe à votre disposition : modifiez la constitution pour introniser Nkurunziza, vous serrez servis.