Bujumbura en guerre contre nations et organisations humanitaires : ou l’exemple d’une mémoire de poule

Par Sébastien Ntahongendera
Depuis la tombée du 3è mandat sur les têtes des Burundais, le régime de Bujumbura mène une guerre contre les nations, les organisations et les personnes qui tentent de voler au secours des Burundais en danger de mort. Cette guerre connaît des répits seulement ; elle ne s’arrête pas. Et ceux qui la mènent oublient que eux aussi, quand ils étaient dans le même pétrin, ce sont les mêmes humanitaires qui leur avaient volé au secours. C’est pour le leur rappeler que j’ai décidé de leur cracher les 4 vérités, sans haine ni mépris.
1. Quand les actions humanitaires s’appellent « la guerre du monde entier contre le Burundi »
Il s’appelle Philippe Nzobonariba. Il est secrétaire et porte-parole de fait du Gouvernement. Se fondant sur un document faisant état d’une assistance aux humanitaires burundais dans leurs activités quotidiennes, il s’en est pris à l’Union Européenne. Il l’a lessivée copieusement, l’a étalée au soleil, l’a repassée. Selon le secrétaire et porte-parole du gouvernement en effet, à travers son soutien à certaines ONG, l’Union Européenne a prêté main forte aux allumeurs du feu qui est en train de consumer le Burundi. Même le putsch raté du 13 mai 2015, c’est l’Union Européenne qui l’a fomenté, qui l’a financé, qui en a exfiltré les auteurs vers les pays étrangers, selon toujours les propos de Philippe.
Ce n’est pas seulement une cabale ; c’est une déclaration de guerre ! Et le moins que l’on puisse dire, le régime de Bujumbura a choisi un très mauvais moment pour sortir son arsenal. En effet, des signes d’un desserrement de l’étau que l’Union Européenne avait infligé au régime de Bujumbura commençaient à poindre. Par exemple, en vue de donner une bouffée d’oxygène aux caisses du très souverain Etat qui crevait de pénurie de devises, l’U.E venait de débloquer les arriérées de 12 mois de solde pour les militaires déployés en Somalie. Cette manne avait, notamment, permis au gouvernement burundais de s’approvisionner en carburant, lequel était devenu l’urine du corbeau, excusez du peu !
Ce geste méritait, bien sûr, reconnaissance ! Et notre Etat très très souverain n’a pas lésiné sur ses moyens pour témoigner sa dette de gratitude. Une gratitude de l’âne bien sûr, c’est-à-dire les coups de pieds et un tas de crotte, excusez du peu ; Shukrani za punda, pour dire l’expression dans sa langue originale.
Eh oui ! Bujumbura n’a pas attendu deux semaines pour sortir l’artillerie lourde contre son très redoutable ennemie, j’ai nommée l’Union Européen.
Après Philipe, un autre zélateur s’est senti obligé, lui aussi, à sortir son arsenal. Lui n’est pas n’importe qui, puisqu’il est le patron de l’opposition burundaise ! Selon ce qu’il croit quoi ! Sinon, en mots très simples, il est le chef de file de l’opposition burundaise chargée de défendre les crimes commis par le régime burundais.
Dans une audio qui a jeté le monde entier dans l’effroi, Jacques Bigirimana, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a sorti l’arme nucléaire verbale. Dans son collimateur, il avait, bien sûr, les nations et les organisations supposées aider les Burundais à fuir le pays. Mais comme gibier de prédilection, il avait, ce jour, Pacifique Nininahazwe, le fondateur de « Ndondeza », un projet mis en place pour aider à retrouver les personnes portées-disparues.
Il ne s’est pas agi d’une simple accusation ; c’était tout ce qu’il faut pour lui faire couper la tête par qui le verrait le premier ! En effet, selon le leader de l’opposition créée et nourrie par le régime en place, Pacifique fait massacrer les gens ou les fait évacuer en Occident pour ensuite accuser le régime en place de les avoir assassinés. Selon toujours Jaques, pour chaque cadavre ou chaque disparition, Pacifique reçoit 7.500 Euros de deux O.N.G, une américaine et une hollandaise. Akajoreza ! Abominablement spectaculaire !
Donc, pour les zélateurs du régime de Bujumbura, c’est criminel que d’aider les Burundais menacés de mort à quitter le pays, tellement criminel qu’il faut en déduire une intervention plus que satanique ! Oui ; plus que satanique ! Car ce que Jacques attribue à Pacifique, le diable lui-même ne le ferait pas !

Le troisième front contre l’aide aux Burundais en détresse a été ouvert par Willy Nyamitwe. Lui n’est pas non plus n’importe qui ; c’est un ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire s’il vous plaît ! Les nations et les organisations étrangères rentrent dans le paradigme de ses attributions. Donc en les insultant impitoyablement, régulièrement, publiquement et vulgairement, il fait bien son boulot de diplomate extraordinaire et plénipotentiaire ! Et pour ce faire, il a trouvé un bouc-émissaire : le même Pacifique Nininahazwe.
Dans une émission sur la Voix d’Amérique, Willy accuse Pacifique d’avoir bénéficié de l’argent des étrangers pour exfiltrer les Burundais. Notamment, il le condamne d’avoir utilisé l’argent des étrangers pour aider les élèves de l’E.T.S Kamenge à quitter le pays. Pour le très distingué diplomate, ça, c’est un casus belli ; c’est la preuve que les nations et organisations étrangères ont décidé de livrer directement la guerre à l’Etat burundais. N’importe quoi !
2. Démolir le pont à peine le fleuve traversé
Faisons simple ; admettons que ces pays et organisations contribuent, même largement, à évacuer les Burundais menacés par les affres du 3è mandat. Et alors ? Vraiment, nos sages avaient raison : uwukize isemu yibagira icamwirukana ; « qui se remet de l’essoufflement oublie ce qui le faisait courir » !
Ce que j’aime dans la philosophie de l’histoire, on peut, par les idées ou par les fais concrets, tout empêcher. Mais il y a au moins une chose que nul ne peut empêcher. Eh bien, personne ne peut empêcher ce qui s’est passé de s’être passé ! Icabaye nta numwe akibuza kuba carabaye !
À un moment donné de l’histoire, ceux-là même qui condamnent aujourd’hui les humanitaires ont dû compter sur les œuvres de ces mêmes humanitaires pour fuir le Burundi ! Ou bien ils croient que c’est tellement secret ? Ou bien ils se disent que comme ça s’est passé il y a longtemps, personne ne se le rappelle ; que ça ne s’est même pas passé ? Mon œil ! Le Burundi est petit ! On sait qui est qui, qui a fait quoi. S’ils l’ont oublié, moi je vais le leur rappeler, pour l’amour de Dieu et le salut du Burundi.
Et je commence par mon très cher ami Alain Nyamitwe, que je salue bien au passage. Je dis bien Alain Nyamitwe, donc le grand frère de Willy Nyamitwe !
L’actuel Ministre burundais des relations extérieures a été exfiltré de la prison en 1995. Et par qui pensez-vous ? Eh bien, par la conjugaison des efforts humanitaires burundais et étrangers. Ça, c’est la vérité ! Grâce aux mêmes efforts conjugués, il a été exfiltré du Burundi aussitôt pour aller vivre en Belgique. Ça, c’est la vérité ! Et Il m’accusera de tout sauf avoir comméré sur lui. En effet, il l’a écrit lui-même en noir sur blanc dans son livre J’ai échappé au massacre de l’Université du Burundi le 11 juin 1995 ! Le livre, pour lequel je lui ai d’ailleurs composé des mélanges que le lui ai bien envoyés, a été édité chez Harmattan en 2006 ! Aux pages 7, 8 et 9 de son livre, le grand frère de Willy égraine à fatiguer les noms des personnes et des organisations qui ont directement contribué à sa sortie du Burundi en 1995. Vaut mieux vous en livrer quelques fragments :
« Eugène Nindorera, ancien président de la Ligue des droits de l’homme, m’a rendu visite à la brigade, alors que le magistrat instructeur ne voyait pas ce que ce grand Tutsi avait à faire avec un « criminel » hutu. Il y a aussi dans ce cadre des militants des droits de l’homme Tiebile Dramane, ce haut fonctionnaire d’origine malienne au Centre des nations unies pour les droits de l’homme à Bujumbura. Il avait pris mon dossier à cœur »(…)
« Le père Bob Albertijin, le père Fernand Boetdts, ainsi que l’Ambassadeur Koen Vervaeke, à l’époque chargé d’affaires à l’ambassade belge à Bujumbura, méritent les mêmes remerciements. Oswald Manirakiza, la famille Kabushishi et toute la famille Mbayahaga, qui m’ont gracieusement accueilli à Namur l’été de 1995, qu’ils trouvent ici l’expression de ma reconnaissance sans fin ».
Voilà. Celui qui dit ça, il est le grand frère de celui qui voue à la pendaison les facilitateurs des sinistrés dans leurs tentatives de quitter un pays qui a refusé d’être leur patrie ! Et s’il était seulement son grand frère, je n’allais même pas lier son histoire à l’actualité. Mais il est son patron ; son chef hiérarchique !
A l’époque où il se faisait exfiltrer, je n’ai pas entendu le gouvernement d’alors sortir des déclarations tapageuses pour condamner les Nindorera, les Père Bob et autres Dramane d’avoir aidé un prisonnier à fuir le Burundi ! Et son cas est tout sauf anecdotique ! Tenez-vous bien sur vos chaises :
(à suivre)