“Zana ka ga Kaye” ou “emmener le petit cahier”. C’est une chanson à laquelle les Burundais des quartiers “Contestataires” du 3ème
mandat de Pierre Nkurunziza disent être déjà habitués. C’est cette même phrase composée des quatre mots et au ton militaire/policier qu’un chef de poste ou un officier de police s’adressent aux chefs de ménages.
“Il toque avec force, te fait ouvrir de force, demande montrer ka gakaye ou le petit cahier”. Après il ordonne à toute la famille de sortir quelques fois les mains en l’air. Et ordonne à ses hommes d’entrer pour fouiller. C’est cela scène. La chanson est déjà connue. C’est à cela qu’on s’attend chaque fois qu’on apprend que la police arrive », nous a révélé Donatien Ndihokubwayo un habitant d’un de ces quartiers.
Ce n’est pas dans tous les quartiers de Bujumbura ni dans toutes les communes du Burundi que ces opérations de « fouille et perquisition » se déroulent. Il s’agit de 5 quartiers contestataires de Cibitoke, Jabe, Nyakabiga, Musaga, Mutakura en Mairie de Bujumbura et des communes d’Ijenda et de Mugamba de la province de Bururi au sud pays.
Il y a trois semaines, la police a effectué deux descentes de rafles sur le quartier de Musaga et dans la commune de Mugamba en province de Bururi. Dans le 1er cas, elle a arrêté entre 200 et 300 personnes y compris des écoliers en uniformes qui ont passé toute la journée sous un soleil de plomb et qui ont raté leurs examens. Sous pression des observateurs des droits de l’homme, la plupart d’entre eux ont été relâchés. Une dizaine de jeunes ont été emmenés à une destination jusqu’ici inconnue par leurs familles respectives. A Mugamba, les élèves ont résisté en vain à une arrestation d’un professeur. Et dans cette même commune la population déplore la disparition d’une dizaine dont elle ignore le sort !
En fin de cette semaine, ce sont les quartiers de Cibitoke et Bwiza qui ont été victimes de ces rafles. A Bwiza, ce vendredi passé, plus de 500 jeunes ont été arrêtés et plus de 300 à Cibitoke.
“Observe bien. A chaque fois on arrête des centaines, plus tard en fin de journée on en relâche une grande majorité alors qu’au moins une dizaine ne rentrera point et leurs familles risquent de ne plus les revoir”, nous a révélé Donatien Ndihokubwayo qui lui-même fait parti des personnes qui ont été arrêtées et relâchées plus tard.
Dans tous ces quartiers la population accuse la police de vol d’argent et de téléphones : « Des agents de la police cherchent dans vos poches, et gars à celui qui a de l’argent ou un téléphone. C’est parti une fois pour toute » a – t – il ajouté.
Selon un policier qui a requis l’anonymat ces opérations servent, en effet, à contrôler des mouvements de la population dans les quartiers contestataires pour éviter qu’il y’ait des infiltrations.
“Il s’agit des opérations de routine à la recherche de terroristes”, a dit un policier sous anonymat.
“Terroriste ou insurgé” ce sont les deux termes que le régime de Bujumbura colle aux jeunes manifestants anti 3ème mandat en essayant de s’attirer la sympathie des puissances occidentales engagées dans la lutte contre le terrorisme mondial.
Il y’a un mois, le 1er mai 2016, Pierre Nkurunziza a annoncé dans un discours à peine codé, que « les groupes qui sèment l’insécurité dans la ville de Bujumbura allaient être démantelés » et a, à cet effet, donné un deadline de deux mois aux forces pour réussir son pari.
“Nous devons avoir détruit tous ces groupes dans le temps annoncé”, a promis un officier de police.
En même temps que ce pari parait impossible même à son annonceur et à ses exécutants, les habitants des quartiers et communes contestataires y voient une volonté farouche de vengeance et de maltraitance de ces quartiers par le despote de Bujumbura et ses sbires mais ils affirment être aujourd’hui habitués et que rien au monde ne leur ferait quitter leurs quartiers.
“Nous ne quitterons pas. Nous y mourrons, c’est chez nous. S’ils comptent nous décourager, hélas la stratégie ne sera pas payante” a ajouté Donatien Ndihokubwayo, qui regrette, hélas que les gens ont peur de visiter son quartier de peur d’être surpris par une rafle matinale.
“Twabaye ntibagenderwa. Ariko ntawugaya iwe = Nous sommes devenus non – visitables mais personne ne peut dédaigner chez soi, nous y sommes et y resterons” conclut – il.
Nixon Mandela