Burundi: les conséquences de la diplomatie de la chaise vide

Imburi

Quelles sont les conséquences du boycott du sommet de l’UA pour un pays comme le Burundi au regard de la conjoncture actuelle de la crise politico-sécuritaire, le processus de dialogue qui est dans l’impasse à cause du pouvoir qui reste sourd aux pressions de la communauté internationale, et la diplomatie de la chaise vide à un tel moment crucial.

Depuis le coup d’état manqué de 13 Mai 2015 que d’aucuns ont qualifié de cynique mise en scène, le pouvoir de Bujumbura et ses adversaires sont enfermés dans un dialogue de sourds et de dénie mutuel. Tandis que les détracteurs du régime recourent à l’argument de la légalité et de la légitimité et réclament un dialogue, avec pour témoin la communauté internationale, le pouvoir a adopté (1) une politique interne catastrophiste de la terreur et de la terre brulée et (2) une diplomatie de la sourde oreille et de la chaise vide par défaut lorsqu’il s’agit de forum susceptible d’aborder la crise politique qui secoue le pays sous un angle de la résolution pacifique.

Dans un premier temps, les diplomates et envoyés spéciaux des différentes institutions régionales et internationales se sont relayés à Bujumbura dans la recherche d’une solution viable à la crise qui dure près de quinze mois. Jusqu’ici toutes les initiatives se sont heurtées à une obstruction systématique du pouvoir qui exploite tant bien que mal les principes d’indépendance et de souveraineté nationale. Elles n’ont pas permis d’avancées significatives, en témoigne, l’échec des récents pourparlers d’Arusha et le boycott du sommet de l’UA par le Burundi.

En général, chaque pays membre d’une organisation comme l’UA a le droit d’exprimer son désaccord selon les normes établies et librement consenties à l’adhésion. Ce n’est pas la première fois qu’un pays membre boycotte le sommet ou d’autres activités de l’organisation pour ensuite y revenir par après. On peut citer en exemple, les sommets controversées de l’OUA à Tripoli en Libye dans les années 1980s ou le boycott du Maroc de cette organisation en relation avec le problème du Sahara Occidental. Aujourd’hui, ce pays essaye de réintégrer l’UA.

Cependant, dans le contexte actuel particulier où le Burundi devrait bénéficier de la solidarité régionale, continentale et internationale pour résoudre ses problèmes internes, il devrait pouvoir se passer d’une telle démarche contreproductive.

En effet, dans la mesure où le boycott du sommet n’est pas officiellement motivé de manière convaincante, mais que la communauté internationale n’a pas encore pris de mesures suffisamment contraignantes pour amener les parties au conflit à négocier une fin juste et durable, le pouvoir se met inévitablement dans une situation délicate.

Il donne ainsi une preuve supplémentaire des allégations de sa mauvaise foi. Il donne aussi une indication que le régime est à court d’arguments et de stratégies pour résoudre la crise autres que la force et la violence. Il indique également qu’il est confiant de ses soutiens (réels ou imaginaires) et qu’il peut encore compter (1) à l’extérieur sur l’immobilisme de la communauté internationale et (2) à l’intérieur sur l’essoufflement et la dispersion de l’opposition. Enfin, il génère parmi ses fidèles un sentiment de fierté mal placée et, auprès de ses adversaires, une abdication de ses responsabilités de représenter le pays dans un tel forum continental. Dans une certaine opinion, cela peut même être perçu comme de l’arrogance et le mépris envers sa propre population et sa famille continentale.

Quant aux conséquences, les unes sont plus évidentes et prévisibles que les autres mais elles pointent généralement mais pas inévitablement vers (1) un approfondissement de l’isolement politique (diplomatique et économique) du pays ; (2) une cristallisation du pouvoir dans son refus de négocier avec ses adversaires ; (3) une exacerbation prévisible du conflit avec un risque plus élevé d’intensification de la violence.

Mais si à quelque chose malheur est bon, cet incident pourrait bien aussi précipiter les événements. En effet, même si dans l’immédiat le pouvoir tient encore grâce aux soutiens de certains pays et acteurs régionaux et/ou internationaux dans l’indifférence totale de la misère généralisée et le climat de terreur qui règne dans le pays, cela pourrait être un mauvais calcul à moyen terme pour le pouvoir. D’une part, la communauté internationale peut toujours imposer des sanctions auxquelles un pays enclavé comme le Burundi ne peut pas tenir longtemps. D’autre part, l’opposition (politique et armée) peut toujours se renforcer et renverser l’équilibre des forces en sa faveur.

Dans tous les cas, une combinaison de ces facteurs et un possible retournement de ses soutiens, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pourrait, de manière aléatoire, précipiter le cours des événements pour un régime qui peut toujours négocier ou s’accrocher à tout prix jusqu’à sa chute souhaitable et inévitable pour les uns et les autres mais que personne ne peut prédire avec précision.

 

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