Par Anicet Niyonkuru, CNARED | Conformément aux clauses de la 26ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union africaine, tenue du 30 au 31 Janvier 2016, le nouveau Président de l’Union Africaine vient de désigner les membres de la délégation qui va bientôt convaincre Pierre Nkurunziza à accepter une force d’interposition au Burundi. La question ici est de savoir si elle va réellement convaincre.
Cette délégation est composée de :
- M. Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République islamique de Mauritanie, qui représentera la Région de l’Afrique du Nord ;
- M. Jacob Zuma, Président de la République Sud-Africaine qui représentera la Région de l’Afrique australe ;
- M. Macky Sall, Président de la République du Sénégal qui représentera la Région de l’Afrique de l’Ouest ;
- M. Ali Bongo Ondimba, Président de la République du Gabon qui représentera la Région de l’Afrique centrale ;
- M. Hailemariam Desalegn, Premier Ministre de la République fédérale démocratique d’Ethiopie qui représentera la Région de l’Afrique de l’Est.
Les raisons qui me poussent à m’interroger si cette délégation, aussi forte soit-elle, pourra convaincre Nkurunziza, se base sur deux critères principaux : 1. la conviction des membres de la délégation quant à l’objet de leur déplacement ; 2. la position psychopolitique de la personne à convaincre.
Je dois préciser que l’objet du déplacement de ces éminentes personnalités africaines est de deux natures : convaincre Nkurunziza à accepter la force d’interposition d’une part ; le dissuader à accepter un dialogue inclusif d’autre part.
Mon premier doute sur la force de leur conviction à convaincre Nkurunziza vient du fait que certains de ces Présidents ont, soit une affaire sous-table avec Nkurunziza, soit déjà échoué chez-eux ou dans une mission similaire. Ici on retiendra l’échec qu’a eu le Président sénégalais dans la résolution de la crise du Burkina Faso. Si le peuple du pays de l’homme intègre n’avait pas été vigilant, Macky Sall allait maintenir le putschiste Djéndéré au pouvoir. Il faut noter que nous avons aussi à faire à un putschiste contre l’ordre constitutionnel du Burundi ; la tendance risque d’être la même. Si ce n’était pas cette expérience amère du n°1 sénégalais, Macky Sall serait le Président le plus crédible. Il a un sens démocratique poussé et se trouve être parmi les rares Présidents africains qui veulent non seulement réduire le nombre de mandats au pouvoir, mais aussi le nombre d’années que peut durer un mandat présidentiel.
Quant à Jakob Zuma, les lobbyings industriels sud-africains qui ont un pouvoir non négligeable autour de lui ont à faire avec Nkurunziza et sa clique dans l’exploitation des mines du Burundi. Zuma risque de faire des yeux doux pour ne pas choquer. Je pressens déjà qu’il va caresser Nkurunziza et sa clique dans le sens des poils ! L’Afrique du Sud étant « l’accoucheuse » de l’Accord d’Arusha, les Burundais tournent les yeux vers ce pays de Mandela, mais ce n’est pas évident !
Quant aux autres Chefs d’Etats membres de la délégation, je pense qu’ils vont jouer des accompagnateurs que de vrais hommes de pression auprès du pouvoir criminel de Bujumbura. Ici je me réserve de parler des dossiers en rapport avec l’exploitation du pétrole du lac Tanganyika et de l’avion présidentiel burundais où certains proches de certains présidents seraient impliqués.
Du côté même de ces hautes personnalités dépêchées vers Nkurunziza et sa clique, je pressens une faiblesse de force de conviction à convaincre. Par ailleurs, je préfère me tromper et être positivement surpris.
Du côté de la personne à convaincre qui est Pierre Nkurunziza, le putschiste constitutionnel et président criminel de facto, les chances de le voir changer d’avis sont très moindres, très proches de zéro.
Pierre Nkurunziza et sa clique ne cherchent jamais à satisfaire l’opinion internationale ou les pays amis. Nkurunziza croit à ce qu’il croit, il croit à ses rêves, aux rêves de sa femme et de ses enfants. Il croit que son fauteuil présidentiel lui a été offert par Dieu et que les humains ne peuvent jamais le bouger de là. Cette conviction due à son fanatisme religieux se trouve être le premier blocage quant à un relâchement quelconque de ses prises positions antérieures.
Deuxièmement, Pierre Nkurunziza et sa clique sont tournés vers le populisme. Les messages qu’ils lancent, pourtant sur la voix des ondes où tout le monde peut les écouter, ne sont pas orientés ni vers les intellectuels avertis, ni vers les occidentaux, ni vers qui que ce soi en dehors de son électorat. Vous tous qui entendez le porte-parole du CNDD-FDD, sieur Gelase Ndabirabe s’attaquer à tous les puissants de ce monde, vous écoutez un message qui ne vous concerne pas. Nkurunziza et sa clique savent très bien qu’ils sont déjà tombés dans la farine et préfèrent continuer à se tourner dedans, tout en entretenant au moins une communication émotionnelle tintée d’ethnisme, de xénophobie, de cynisme, de sadisme, etc. dans le but de fidéliser leurs boucliers humains.
Ceci dit, Nkurunziza qui a déjà dit à son électorat que, « accepter les Maprobu c’est accepter le retour du colonialisme, c’est accepter le retour des Tutsi au pouvoir, etc. , accepter le dialogue inclusif c’est accepter le partage du pouvoir avec ceux qui fuient les élections, c’est accepter la volonté des colonisateurs belges qui veulent installer les putschistes au pouvoir, etc. », Nkurunziza n’est pas prêt à faire demi-tour et changer de langage. Il préfère tourner dans un cul-de-sac comme un diable envouté !
Troisièmement, Nkurunziza et sa clique sont très sûrs de leur force militaire. Le seul langage qu’ils entendent facilement est aussi militaire. Ils savent très bien que, avec les clauses du dernier sommet des Chefs d’Etats à Addis, il n’y aura pas d’intervention militaire par force. Ceci est pour eux plus que rassurant ! Ils ne vont jamais donner leur accord et la force d’interposition restera dans les déclarations. Dans l’entre-temps, ils s’octroient le droit de massacrer leurs propres populations dans la tranquillité totale.
De ces trois seuls critères ci-haut mentionnés, il est très clair que Nkurunziza et sa clique diront un grand NON à toute forme de suggestion de ces éminentes personnalités, allant dans le sens de sortie de la crise. Il préfère y rester et terminer son mandat criminel dans le sang ; c’est ça qui l’arrange.