COMMENTAIRE SUR LE DOCUMENT SANCTIONNNANT L’ATELIER DES RESPONSABLES DES PARTIS POLITIQUES SATELLITES DU CNDD-FDD QUI S’EST TENU A GITEGA, LE 11 OCTOBRE 2016.
Par Pr. Charles NDITIJE
Bruxelles, le 29 octobre 2016
Introduction
Un document sanctionnant une réunion de 25 formations politiques, qui s’est tenue à Gitega, le 11 octobre 2016, circule depuis quelques temps. A la lecture de son contenu, je me suis senti interpellé, car ce document, anodin en soi, traduit les véritables visées de M. Nkurunziza et de son parti CNDD-FDD. Certaines mesures viennent déjà de tomber, au moment où je fais mon commentaire. Je vous invite à partager mon analyse.
I. Un document conçu par le CNDD-FDD, mais qu’on fait endosser aux partis satellites
- A la lecture de ce document, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’il a été préparé dans le laboratoire maléfique du CNDD-FFD et que les autres chefs des formations politiques signataires n’ont fait qu’exécuter les ordres de leur maître à penser et père nourricier.
- Du reste, ces partis politiques qui ne représentent que l’ombre d’eux-mêmes, parce qu’inexistants sur le terrain (lors de la mascarade électorale de 2015, ils ont totalisé moins de 5%, mise à part le cas de Rwasa sur lequel nous reviendrons), sont devenus des caisses de résonnance du parti de M. Nkurunziza, voire des porte-paroles de substitution, à l’instar de Jacques BIGIRIMANA et de Jean de Dieu MUTABAZI.
- Faute d’avoir une quelconque implantation sur le terrain, ces partis fictifs réclament à cor et à cri une existence médiatique, en demandant aux médias et au CNC de refuser la parole aux leaders légitimes des partis qui ont été « nyakurisés » par le pouvoir de Bujumbura.
- Ils devraient comprendre que le leadership ne s’acquiert pas par décret ou à travers des sorties médiatiques intempestives et vides de contenu. C’est d’abord et avant tout des valeurs, une vision, un projet alternatif de société que vous incarnait et des militants qui y croient. Or, ils sont tout, sauf cela.
- Tout lecteur attentif aura constaté que ce document fait une autoglorification du pouvoir criminel de Nkurunziza qui « a fourni des efforts sans précédent pour ramener la paix et la sécurité dans tout le pays» et a organisé « des élections démocratiques dans le calme absolu ». Quel avilissement, quelle myopie politique ? Oh ventre, quand tu nous prends !
II. La volonté devenue obsessionnelle chez M. Nkurunziza de changer la Constitution est un des messages fort
6. Dans ce document, la référence à la révision de la Constitution revient au moins cinq fois, car disent-ils « telle est la volonté du peuple à travers le dialogue interne ». Cette action revêt, comme déjà annoncé une certaine urgence, car il est proposé la mise sur pied d’une commission nationale chargée de ce travail.
7. Cette révision a évidemment pour objectif ultime d’enterrer définitivement l’Accord d’Arusha pour mettre fin notamment aux équilibres ethnico-politiques que M. Nkurunziza n’a jamais acceptés. Et enfin, lui permettre de régner à vie sur le peuple burundais, quand bien même ce serait au prix des millions de cadavres. Son pouvoir « de droit divin » n’a pas de prix.
III. La conséquence qui en découle est le refus des négociations inclusives sous la médiation régionale
- Il apparaît clairement un refus systématique de tout dialogue inclusif. Le document exclut d’office tous les opposants qui sont fustigés comme les auteurs du putsch du 13 mai 2015 et du mouvement insurrectionnel d’avril 2015 et qui devront d’abord répondre de leurs actes devant la justice avant de participer au dialogue inter burundais.
- Le document insiste sur la primauté du dialogue interne par rapport au dialogue inclusif. En effet, un hommage vibrant est rendu au gouvernement pour avoir organisé un dialogue inter burundais sur tout le territoire et surtout pour s’être surpassé, en acceptant le dialogue extérieur. Le document demande le rapatriement rapide du dialogue extérieur pour que le Facilitateur travaille dans la droite ligne tracée par la CNDI.
- Le message est donc on ne peut plus clair : tout dialogue qui parle du respect de l’Accord d’Arusha et de la Constitution n’a pas de place chez M. Nkurunziza et les siens.
- Un autre fait très illustratif de ce refus du dialogue inclusif est que M. Nkurunziza et ses acolytes sont déjà dans la logique de la préparation des élections de 2020. « Ils s’engagent même à dégager dans les prochains jours un consensus pour ces élections ». Une feuille de route pour celles-ci serait déjà prête, puisqu’ils ont pris la résolution de l’évaluer sous peu.
Un homme politique a dit à juste titre, qu’à la sortie des élections, les hommes d’Etat pensent à la génération suivante, tandis que les médiocres chefs d’Etat pensent aux prochaines élections, qu’ils devront impérativement gagner, quoiqu’il en coûte.
IV. Le document réaffirme le monopartisme de fait et le verrouillage des espaces et des libertés publiques et politiques
- Il est demandé au zélé et tonitruant Ministre de l’Intérieur, Barandagiye Pascal d’appliquer strictement la loi régissant les partis politiques, comme si c’étaient les partis politiques qui devaient lui faire un clin d’œil pour plus de rigueur envers eux. Pardon, je me trompe : c’est plutôt à l’adresse des partis politiques de l’opposition. Quels élèves-modèles ?
- En se cachant derrière cette rencontre de dupes, qui a « recommandé » de renforcer les mécanismes de suivi, de contrôle et de régulation des ONG nationales et étrangères ainsi que les ASBL, le Ministre Barandagiye voulait se donner bonne conscience et faire avaliser sa volonté d’interdire définitivement le fonctionnement de celles-ci.
- L’ordonnance du 13 octobre 2016, de radiation définitive des principales Associations de la société civile, deux jours après cette rencontre, est un témoignage éloquent de ce refus des libertés publiques. Dans ses excès de zèle et son militantisme de base, le Ministre Barandagiye va jusqu’à radier une association qui ne lui a jamais demandé d’agrément et dont il ne connaît ni les statuts, ni son fonctionnement, à savoir l’Action Chrétienne pour l’Abolition de la Torture (ACAT, en sigle). Le ridicule ne tue plus, Monsieur le Ministre.
V. Agathon RWASA vient de choisir son camp
- S’il est vrai que M. Rwasa s’était déjà mis dans une mauvaise posture en acceptant d’entrer dans des institutions issues des élections dont il avait par ailleurs contesté la légalité et pour lesquelles il n’avait pas fait de campagne, sa signature a au moins le mérite de clarifier les choses.
- D’une part, en signant ce document, il vient d’affirmer à la face du monde qu’il partage les mêmes vues et positions que le CNDD-FDD et ses partis satellites sur les questions essentielles de l’heure et les voies de sortie de crise. Que ceux qui en doutaient ou qui pensaient en faire un allié politique faible se rendent maintenant à l’évidence.
- D’autre part, en signant au nom de la coalition des Indépendants « Amizero y’Abarundi », qui légalement est pris fin avec la clôture de la mascarade électorale de 2015, M. Rwasa vient de confirmer qu’il a renoncé à se réclamer comme le leader légitime du FNL. Va-t-il fondé un nouveau parti qui s’appelle « Amizero y’Abarundi », avec l’aval de M. Nkurunziza et de Jacques Bigirimana ? Wait and see. Son porte-parole Aimé Magera, s’il en est encore un, à beau gémir, il ne convaincra personne, son discours sonne faux. Je lui conseille plutôt de choisir clairement son camp.
VI. Une attitude ambivalente du Gouvernement face à la communauté internationale
- Dans son entêtement, face aux différentes résolutions et pressions de la Communauté internationale, le pouvoir criminel de Bujumbura semble vouloir se laver de tous les crimes et veut les faire endosser plutôt à l’opposition. Il pousse l’audace ou plutôt l’arrogance et l’idiotie jusqu’à faire une lecture biaisée des différentes résolutions prises à son endroit. Tenez :
- Dans ce fameux document, les résolutions 2248 et 2279 du Conseil de Sécurité des Nations Unies s’appliquent aux seuls « putschistes » et aux « insurgés » ; entendez par là toute l’opposition politique et toutes les forces vives qui ont refusé la violation de l’Accord d’Arusha et de la Constitution. Dans leur entendement, ces résolutions les excluent des négociations inclusives et laissent le champ au seuls partis signataires de ce document et à la société civile inféodée au CNDD-FDD.
- En revanche, par rapport à la résolution 2303 qui demande l’envoi de 228 policiers au Burundi et celle du Conseil des Droits de l’Homme qui recommande la mise sur pied d’une commission internationale d’enquête judiciaire, le pouvoir de Bujumbura invite le peuple burundais au refus et à la non collaboration. On se demande jusqu’où ira M. Nkurunziza et ses acolytes dans son obstination et cet autisme politique qui lui empêchent de voir la réalité en face ?
VII. Des tentatives désespérées de se donner bonne conscience et de se légitimer
- Il apparaît dans ce document, le recours à un mécanisme de défense qui consiste à se donner une légitimité dont on est parfaitement conscient de son absence, à se faire passer pour une victime innocente, un souffre-douleur dont il convient d’alléger les souffrances injustement infligées.
- N’affirme-t-on pas haut et fort que « le gouvernement est légal, légitime et effectif et que par conséquent, il doit demander à la Communauté internationale de lever toutes les sanctions lui imposées ». Comme le disait Wole SOYINKA, « le tigre ne crie pas sa tigritude….». Un gouvernement légitime l’est à travers la voie démocratique par laquelle il a accédé au pouvoir et par le respect des droits et libertés de son peuple et des autres conventions et droits internationaux.
- Un gouvernement ne se légitime pas par le retrait des Conventions qui le lient par rapport au respect des droits de l’homme, un gouvernement ne demande pas la levée des sanctions lui imposées en narguant tout le monde, en refusant toute collaboration et poussant l’audace ou plutôt l’idiotie à l’invitation à la révolte populaire. Cela s’appelle du suicide politique, M. Nkurunziza.
- Toujours dans son négativisme, le pouvoir de facto de Bujumbura nie toute forme de criminalité au Burundi et invite le peuple à « combattre la cybercriminalité», comme si les Burundais qui sont majoritairement analphabètes avaient accès à l’internet dans leurs villages, sans eau potable ni électricité. Quelle honte ! Quel mépris pour le peuple burundais ! Que ne verra-t-on pas, que n’entendra-t-on pas sous le règne du monarque autoproclamé Nkurunziza Pierre 1er !